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me souvins alors, fort à propos, que ce fut fin may début juin de l'an 1686 que le Chevalier Pierre de Troyes portagea en ces lieux lors de son expédition victorieuse contre le Fort de Moose Factory. Je me gardai bien de partager mes pensées avec Lord Arntfield, non point tant par égard pour notre amitié mais parce qu'il aurait pu très aisément avoir souvenance d'autres circonstances où le sort des armes , fut pour nous français, moins favorable.
Je fus tiré de mes considérations sur les fortunes changeantes de l'histoire par une chaude mais néanmoins docte
discussion toponymique concernant 2 collines jumelées ( les Monts Kanasuta ) dont l'étrange découpe avait déjà sollicité mon attention alors que nous canotions sur le lac Obasatikaw.
Kamasuta Kamatwesing: - l'endroit où l'on entend un son- avança un algonquin d'Outimagami; - l'endroit où les diables dansent prétendit un ojibwé de Mississague; Swinging Hills -l'endroit où le chaman se balance- trancha lord Arntfield de Cranbrook dans le Kent.
Comme tout le monde sembla s'accomoder de cette dernière version, nous résumâmes alors la montée et nous nous hissâmes jusqu'à une surprenante esplanade dallée qui eut le don d'inquiéter nos guides; la raison du soucy étant que c'est sur ce genre "d'Olympe amérindien" que se réuniraient, chaque nouvelle lune, le Kichimanito (Le Grand Esprit) et le Matchimanito (Mauvais esprit), pour décider du cours des humains.
Dans la splendeur du jour, cet éventuel haut lieu de barguignages célestes, ne nous sembla pas trop redoutable et c'est d'un coeur léger que nous le traversâmes pour descendre ensuite dans une vallée assez ouverte et peu profonde, peuplée de feuillus de taille modeste et où le Populus tremuloïdes ( tremble ) pouvait en certains endroits exercer une certaine dominance.
Rien d'exceptionnel dans cette vallée, à l'exception peut-être, dans la première section, d'une discrète mais curieuse roche ronde rappelant les têtes colossales de facture olmèque de Tres Zapotes et de la Venta en Nouvelle Espagne et que Lord Arntfield, facétieux à ses heures, baptisa du sobriquet bilingue de "old mec"; à signaler aussi, une petite mare cernée d'arbustes à la base d'un rocher.
Au sortir de la vallée et comme nous commencions à longer la nouvelle colline, nous fûmes gratifiés d'une nouvelle et très large perspective qui nous dévoila les rives du lac Obasatikaw
et dans le fond de laquelle se profilait une montagne isolée et semi-spérique.
Makadamik qui vit le jour à Chominich, petit village qui s'abrite au pied de cette montagne me la désigna sous le nom d' Akîkonssätina ou la Montagne du Chaudron . Voulant faire étalage de mes connaissances en matière de démonologie amérindienne, je lui demandai si Witikow ou Windigo l'anthropophage était culinairement lié, si je puis dire, à cette montagne; soit qu'il l'ignorât ou soit qu'il y vît malice de ma part, il ne m'offrit comme réponse que la superbe de son silence.
Parvenus à l'extrémité sud de cette colline qui est ceinturée par un escarpement assez vertigineux, nous pénétrâmes dans un fabuleux bois de Pinus banksiana qui, par de larges ouvertures nous laissait jouir du paysage en contrebas. Il y avait là un lac de forme pseudo-rectangulaire( Lac Donez ), enchâssé au sein des collines et au bord duquel, dans sa partie ouest était établi un campement jouxtant une plage.
Soucieux de continuer notre chemin, nous nous arrachâmes à notrer contemplation et, croisant tantôt de courtes sections de feuillus, tantôt quelques espaces couverts de conifères, de la colline nous complétâmes la traverse, pour ensuite aboutir, dans une légère déclivité au penchant d'un vallon, à un rocher isolé.
À propos
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