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' étendait vue_centre devant moy, disposée gracieusement au beau mitan, une savane émaillée d'étangs, cernée par un hémicycle de montagnes qui s'ouvrait au sud. Tandis que muni de ma lorgnette, j'observai une curyeuse colline assez isolée et arrondie, j'aperçus, trouant son flanc, ce qui me sembla être une petite caverne. Comme je la désignai du doigt à mes compagnons, l'un d'entre eux me frappa sèchement l'index que je tendais en me signifiant que pointer Kokotchiwachatina , littéralement -la montagne de l'antre de Kokotchiw- qui comme chacun devrait le savoir, est un être malfaisant, risquait fort de l'indisposer à notre égard.
Je me le tins suffisamment pour dit, pour que, lorgnant soudainement une insolite forme rectangulaire qui émergeant à peine d'un sommet en direction Est, Nord-Est ( réflecteur d'ondes de l'Hydro-Québec, remplacé actuellement par la tour d'observation, "Le nid de l'épervier" ), je m'enquisse prudemment de l'incongruence d'une telle géométrie en pleine nature. Des différentes palabres suscitées par ma demande, il ressortit que la tribu des Idrökebêk , sise sur les bords du lac O-Sik-Sko , à quelques lieues vers le Nord, aurait trouvé là un moyen de lancer des messages de montagne en montagne. Je me promis derechef d'aller me rendre compte de ce prodige dès que l'occasion m'en serait offerte.
Quittant ce site passablement intrigant, c'est par des bois caducifoliés ( feuillages caduques ), piqués de quelques îlots de conifères, qu'après nous être maintenus à la même altitude, nous finîmes par descendre vers l' Amikosipins ou le ruisseau des castors. Remontant ce dernier, nous pûmes alors, après nous être désaltérés, savourer l'incontestable fraîcheur du sous-bois que rehaussait parfaitement le murmure de quelques cascatelles.
Ce répit fut de courte durée car nous dûmes en amont, sauter le ruisseau et parmi la rocaille, grimper vaille que vaille pour ensuite parvenir au-dessus d'un petit lac, dominé sur presque tout son pourtour par un cercle de collines et dont la seule vue dilua notre fatigue.
Comme nous étions à peu près au mitan de la traverse, nous résolûmes de nous y arrêter quelque peu. Alors qu'une partie du groupe procédait commensalement au partage d'un frugal repas composé de: pakwejigan ( bannique ou pain ), gaskide wiias ( viande séchée ) et d'un savoureux pagan pakwejigan ( pain aux noisettes ), le tout arrosé d'un thé auquel nous ajoutâmes quelques feuilles de gaulthérie , Machîkike ou Machîkotte -celui qui cherche les herbes de médecine- s'éloigna avec 2 jeunes guerriers "en herbe" car, comme il me l'avait fort simplement expliqué avant de partir, le transect dans lequel nous nous trouvions, serait susceptible de lui fournir des stations eutotrophes, mésotrophes et si possible mésiques-hydriques , fort seyantes pour sa collecte. L'après-midi était quelque peu avancé quand ils revinrent et apprêtèrent les plantes qu'ils devaient reprendre sur le chemin du retour.
Comme ils ne faisaient aucun mystère des divers échantillons prélevés, je notai surtout la présence d'espèces qui m'apparurent comme fort communes. Je m'en ébahissai doncques et on voulut bien expliquer à -la robe-noire-qui -veut-toujours-tout-savoir- que le sustrat minéral des roches kêkêk , conférait aux plantes des vertus que l'on ne trouvait nulle part ailleurs. Ce sera toujours pour moi un perpétuel sujet d'émerveillement, que de constater combien il est vain et illusoire de vouloir prendre un docteur en théologie, en médecine ou en maskiki , en flagrant délit d'ignorance.
Après avoir interrompu la méridienne d'aucuns, le bourrage de l' opwagan ( calumet ) avec du kinikinik ( tabac sauvage ), de quelques autres, nous suivîmes une corniche qui dominait plaisamment le lac et nous entreprîmes, par l'entremise d'une courte vallée, l'ascension qui devait nous amener à deux autres petits lacs, par les castors associés. Au cours de ce trajet, nous remarquâmes quelques beaux spécimens de Picea glauca et au sommet d'une zone dégagée, un luxueux cairn de pur granit.
Sortant enfin d'une golée fort accueillante, nous entrevîmes le premier des deux lacs, pour ensuite nous en éloigner quelque peu, traversant un terrain conquis par les éricacées et où s'épanouissaient quelques chétifs bosquets. Nous y découvrîmes un ahrissant bassin de près de quatre cents coudées de longueur sur une quinzaine de large. Il était connu sous le nom de Kisisibanïtizonâgan , ou en traduction adaptée: la baignoire ; car s'il peut se remplir fort rapidement après une période de pluie, il se vide tout aussi promptement.

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